Comme vous l’avez vu dans la vidéo : « Débat - Quels effets d’un salaire minimum à 15$ ? », l’instauration d’un salaire minimum, et sa hausse, suscitent des débats quant à ses effets, qui peuvent être négatifs ou positifs.
Dans la théorie néoclassique, l’instauration d’un salaire minimum supérieur au salaire d’équilibre conduit à un chômage structurel, car l’offre de travail reste durablement supérieure à la demande de travail (cf. Graphique 3.5, dans lequel il suffit de remplacer le salaire d’efficience par le salaire minimum) et les travailleurs, dont la productivité marginale est inférieure au salaire minimum, ne sont pas embauchés. Le salaire minimum s’apparente donc à une rigidité qui empêche l’autorégulation du marché du travail et le retour à l’équilibre, c’est-à-dire le retour au plein emploi.
Les entreprises, compte tenu de la hausse du coût du travail qui dégrade leur rentabilité, peuvent aussi être conduites à substituer du capital (dont le coût relatif baisse) au travail ou encore à délocaliser leur production vers des pays à faible coût de main-d’œuvre : ces décisions affectent tout particulièrement les salariés les moins qualifiés.
Les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg expliquent cependant que l’impact d’une augmentation du salaire minimum sur l’emploi dépend de son niveau initial.4 Si celui-ci est faible, une augmentation n’est pas très coûteuse pour l’employeur : la productivité marginale du travail reste supérieure à son coût marginal ; autrement dit, le dernier salarié embauché rapporte toujours plus à l’entreprise que ce qu’il coûte. L’employeur pourrait donc avoir intérêt à embaucher davantage de main-d’œuvre, puisque la marge générée par chaque salarié est positive. Dans cette première situation, l’augmentation du salaire minimum n’accroît pas le chômage, mais au contraire stimulerait l’emploi. En revanche, si le salaire minimum en vigueur est déjà élevé, l’augmenter davantage deviendrait coûteux pour l’employeur et l’obligerait à payer un salarié plus que celui-ci ne lui rapporte : le coût marginal du travail devient supérieur à sa productivité marginale. Cette situation n’étant pas viable pour l’employeur, il devra alors licencier ces salariés devenus trop coûteux. Dans ce second cas, une augmentation du salaire minimum entraînera une hausse du chômage.
Les économistes David Card et Alan Krueger ont étudié l’effet de l’augmentation du salaire minimum en 1992 sur l’emploi dans l’industrie de restauration rapide dans l’État américain du New Jersey. Les résultats de leur étude vont dans le sens de l’explication proposée par Cahuc et Zylberberg : puisque le salaire minimum au New Jersey avant 1992 était bas, son augmentation n’a pas eu d’effets négatifs sur l’emploi, mais au contraire un faible effet positif.
Cahuc et Zylberberg expliquent aussi que les salariés sont affectés différemment par une hausse du salaire minimum selon leur niveau de qualification. En effet, dans le second cas (lorsque l’augmentation du salaire minimum conduit à la hausse du chômage), seuls les travailleurs les moins qualifiés sont susceptibles de perdre leur emploi. Ce résultat découle du mécanisme expliqué précédemment : l’employeur licencie les salariés les moins productifs (ceux dont la productivité marginale devient inférieure au coût marginal du travail), donc les moins qualifiés. Il faut cependant noter qu’aucune différence entre salariés qualifiés et non qualifiés ne devrait être observée dans la première situation (celle où la hausse du salaire minimum n’a pas d’effet négatif sur l’emploi).
Les économistes John Abowd, Francis Kramarz, David Margolis et Thomas Philippon ont également validé cette explication. En étudiant la différence d’impact d’une hausse du salaire minimum entre les salariés qualifiés et non qualifiés, ils ont montré que, contrairement aux États-Unis, la France se caractérise par un niveau de salaire minimum élevé : par conséquent, la hausse du salaire minimum y a engendré une augmentation du chômage des salariés non qualifiés. En revanche, aucune différence entre les salariés qualifiés et non qualifiés n’a été observée aux États-Unis parce que le salaire minimum est d’un niveau faible. Depuis 1993, un dispositif d’allègement des cotisations sociales sur les bas salaires a été mis en place en France. Ce dernier diminue le coût du travail des travailleurs à bas salaires pour les employeurs, et peut ainsi compenser une augmentation du salaire minimum : c’est ce que vous étudierez notamment dans la Section 3.4.
La hausse du salaire minimum peut également être compensée par une hausse du prix de vente des entreprises.
Enfin, il faut rappeler les acquis de la Question 3.8 sur les effets positifs du salaire minimum pour les ménages et les entreprises :
Ainsi que vous l’avez vu dans la vidéo « Débat - Quels effets d’un salaire minimum à 15$ ? », ce sont sans doute ces potentiels effets positifs qui ont incité l’Allemagne à instaurer un salaire minimum le 1er janvier 2015 et le Royaume-Uni à élever récemment le niveau de son salaire minimum, et qui ont conduit l’Italie et l’Afrique du Sud à s’interroger sur l’instauration d’un tel salaire minimum.
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/ses-terminale-specialite ou directement le fichier ZIP Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0